Le suicide forcé

Extrait tiré de "Au Féminin.com"

 

"C'était l'une des propositions les plus attendues de la loi faite suite au Grenelle des violences conjugales qui s'était tenu à l'automne dernier. Quand la violence psychologique est telle qu'elle peut conduire au suicide. Harcèlement, dénigrement, isolement, dépendance financière... tout cela peut détruire la victime et la seule issue pour s'en sortir est alors de mettre fin à ses jours. Désormais, le suicide forcé entre dans le code Pénal au même titre que l'emprise. Le Parlement a adopté définitivement, mardi 21 juillet, cette proposition de loi destinée à mieux "protéger les victimes de violences conjugales". Lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider, la peine de l'auteur sera donc alourdie de 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende."


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Proposition de loi n° 2478 visant à protéger les victimes de violences conjugales (15 janvier 2020)
LUTTER PLUS EFFICACEMENT CONTRE LE CARACTÈRE MULTIFORME DES VIOLENCES CONJUGALES (Chapitre III)
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 source : http://www.cadre-dirigeant-magazine.com 13/11/2016

Si vous dénoncez des agissements de harcèlement moral, dont vous vous estimez victime, auprès de votre employeur, du CHSCT ou encore de l’Inspection du Travail, vous ne pouvez faire l’objet de poursuite en diffamation. En revanche, vous pouvez tomber sous le coup de la dénonciation calomnieuse si votre mauvaise foi est établie, c'est-à-dire, si vous aviez connaissance de la fausseté des faits allégués au moment de leur dénonciation. Décryptage par Annaël Bashan, avocat du département droit social du cabinet Simon Associés.


Les faits

L’affaire portée devant la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère, 28 septembre 2016 n°15-21823) concernait  une employée de cuisine au sein d’un établissement d’hébergement s’était plainte, aux termes d’un courrier au Responsable des ressources humaines dont elle avait adressé copie au CHSCT et à l’Inspection du travail, d’avoir été victime de harcèlement moral de la part du Chef de cuisine et du Chef de section. Ces derniers ainsi que la société avaient assigné la salariée aux fins d’obtenir la réparation du préjudice qu’ils estimaient subir du fait de ces propos qu’ils considéraient diffamatoires.


Pour la Cour d’appel, pas d’immunité pénale pour celui

qui rapporte les faits

La Cour d’appel a fait droit à leur demande en considérant que « si les articles L.1152-1 et suivants du Code du Travail ont instauré un statut protecteur au bénéfice du salarié qui est victime de harcèlement moral, ces dispositions n’édictent pas une immunité pénale au bénéfice de celui qui rapporte de tels faits au moyen d’un écrit, de sorte que son rédacteur est redevable, devant le juge de la diffamation, de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l’honneur ou à la considération des personnes qu’elles visent ».

Pour la Cour de cassation :
la répression ne doit pas dissuader
le salarié de dénoncer des faits
dont il est victime
La voie de la diffamation est écartée…

La Cour de cassation casse cette décision au visa des articles L.1152-2 du code du travail, selon lequel le salarié ne peut être sanctionné professionnellement pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, L.4131-1 du même code, qui instaure au salarié un droit d’alerte de l’employeur en cas de situation présentant selon lui un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, et 122-4 du code pénal, relatif à l’irresponsabilité pénale attachée aux actes autorisé par des dispositions législatives ou règlementaires.
La Haute juridiction déclare, en premier lieu, qu’il résulte de ces dispositions que « les salariés sont autorisés par la loi à dénoncer, auprès de leur employeur et des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont ils estiment être victime ».
La Cour de cassation rappelle ensuite les règles de preuve en matière de diffamation, à savoir que les allégations de diffamations sont présumées avoir une intention de nuire, cette présomption ne pouvant être renversée par l’auteur de la dénonciation que par l’offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires (encadrées dans les strictes conditions légales de l’article 55 de la Loi sur la liberté de la presse) ou l’exception de bonne foi (légitimité du but poursuivi, absence d’animosité personnelle, prudence dans l’expression et fiabilité de l’enquête), étant ici précisé que « la croyance en l’exactitude des imputations diffamatoires ne suffit pas, en revanche, à reconnaitre à leur auteur le bénéfice de la bonne foi ».
La Première chambre civile en conclut que ces exigences probatoires sont de nature à faire obstacle à l’effectivité du droit du salarié de dénoncer des faits de harcèlement moral, en l’en dissuadant, et que le salarié ne peut donc être poursuivi pour diffamation.



        HARCELEMENT MORAL

les juges du fond reprennent la main

Dans un arrêt du 8 juin 2016, la Cour de cassation revient sur le pouvoir d’appréciation des juges du fond en matière de harcèlement moral.

 

Rappelons que, par des arrêts du 24 septembre 2008, la chambre sociale a décidé d’exercer un contrôle sur la qualification de harcèlement moral, contrairement à la situation qui prévalait depuis un arrêt de 2004 (Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 04-41. 008) où elle laissait aux juges du fond le pouvoir d’apprécier souverainement si les faits constatés étaient constitutifs d’un harcèlement moral.

Pour justifier cette position, la Cour de cassation avait précisé elle-même, à l’époque, dans un communiqué, que c’était la montée des situations de souffrance au travail et leurs conséquences parfois gravissimes qui l’avait fait changer d’avis et qu’elle avait donc décidé de « renforcer la nature de son contrôle, d’harmoniser les pratiques des différentes cours d’appel et de préciser les règles qui conduisent la charge de la preuve».

Depuis lors, la chambre sociale exerçait un contrôle à trois niveaux : sur la prise en compte par le juge du fond de l’ensemble des faits établis par le salarié, sur la qualification de « présomption de harcèlement moral » et sur les justifications de l’employeur.

Dans un arrêt du 8 juin 2016, la haute juridiction opère un nouveau revirement et redonne plus de pouvoirs aux juges du fond. Elle affirme ainsi que  « le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ».

Autrement dit, la haute juridiction redonne désormais la main aux juges du fond pour qualifier des faits de harcèlement.

Néanmoins, dans sa décision du 8 juin 2016, elle précise qu’ils doivent respecter scrupuleusement la procédure probatoire imposée par l’article L. 1154-1 du Code du travail.

Pour mémoire, selon cet article, la reconnaissance éventuelle des agissements de harcèlement repose sur une procédure en trois temps :

  • En cas de litige, le demandeur doit établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
  • Au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble (méthode du faisceau d’indices), il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas du harcèlement.
  • Enfin, le juge forme son intime conviction.

Dans son arrêt du 8 juin 2016, la haute juridiction indique qu’« il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

En apportant ces précisions méthodologiques, la Cour de cassation entend exercer son contrôle sur le strict respect, par les juges du fond, du régime probatoire, en trois temps, imposé par le législateur et, qu’elle a, elle-même, appliqué et interprété depuis 2008.

Pour qualifier des faits de harcèlement moral, les juges du fond disposent donc « d’une liberté contrôlée ».

Avec cette décision du 8 juin 2016, les juges du fond seront tenus de motiver suffisamment leur décision pour démontrer qu’ils ont scrupuleusement respecté la méthode probatoire posée par l’article L. 1154-1.

Cass. soc. 8 juin 2016, n° 14-13413